A la découverte des demeures intemporelles de l’Art Déco bruxellois
La semaine passée, je vous avais conseillé, à l’approche des fêtes, d’acquérir le bel ouvrage « Neuhaus, inventeur de la praline belge » de Charlotte Huens et Pacôme Nasier (paru aux Editions Racine). Cette semaine, je poursuis mes recommandations pour vos cadeaux de fin d’année. Et le hasard fait que je retourne chez le même éditeur. N’en tirez aucune conclusion. Toujours est-il que je vous invite à déguster le superbe opus de Cécile Dubois et Sophie Voituron « L’Art Déco à Bruxelles, demeures intemporelles ». Tout à la fois par le texte et par la photo, vous allez pénétrer dans une série de réalisations Art Déco qui ont été préservées et souvent restaurées. Dans ce « cabinet de curiosités », il y a évidemment les incontournables comme la Basilique de Koekelberg, le Résidence Palace, le Palais des Beaux-Arts, la Villa Empain ou la Maison van Buuren. Mais, à côté de ces bâtiments ouverts au public, il y a aussi des maisons privées auxquelles nous n’avons normalement pas accès puisqu’elles sont encore occupées par des familles. Heureusement, Cécile Dubois a l’art de convaincre les propriétaires (ou locataires) d’ouvrir leurs espaces intimes à l’œil de Sophie Voituron. Et parmi toutes ces demeures, j’ai un faible pour la maison de l’architecte Henry Lacoste à Auderghem. Il faut dire que cette résidence appartient toujours aux descendants des occupants initiaux, ce qui est beaucoup plus rare…
Cécile Dubois est historienne, guide-conférencière, chargée de projets patrimoniaux et curatrice d’expositions. Elle est aussi présidente de la Brussels Art Deco Society. Elle a écrit plusieurs livres sur l’Art Nouveau et l’Art Déco, publiés chez Racine. A travers son dernier ouvrage (qui clôture l’année de l’Art Déco en beauté), elle présente 35 lieux d’exception en Région de Bruxelles-Capitale. Parmi ceux-ci, figure la maison personnelle de l’architecte Henry Lacoste (né à Tournai en 1885 et décédé à Bruxelles en 1968). Comme l’écrit l’autrice, cette demeure ne ressemble à aucune autre. Et pour cause puisque Lacoste était souvent considéré comme inclassable. Construit en 1926 dans un quartier proche de la Forêt de Soignes, cet immeuble fut pensé pour abriter à la fois des bureaux et la famille Lacoste-Carbonelle. Il résume, en réalité, tous les principes architecturaux. Même s’il se rattache au courant Art Déco, il est également proche du modernisme.
C’est en 1921, à l’approche de la quarantaine, qu’Henry Lacoste épousa Claire Carbonelle (1887-1978), fille d’un brasseur tournaisien. Désormais professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, Lacoste introduisit en 1926 une demande de permis de bâtir auprès de la commune d’Auderghem. Un an plus tard, toute la famille s’installa dans cette villa décorée sans ostentation. Il se disait que le rez-de-chaussée était réservé à l’activité professionnelle de « monsieur » et que l’étage constituait le domaine de « madame ». Le bâtiment fut agrandi au début des années 1930. Parmi les images de Sophie Voituron, vous découvrirez les intérieurs multicolores dont l’entrée et la salle à manger. Vous constaterez que l’architecte n’avait pas craint de faire référence à l’Antiquité et au Moyen Âge. Il avait notamment installé des copies d’œuvres assyriennes ou égyptiennes (conservées au Musée du Louvre ou au British Museum).
Henry Lacoste vécut dans cette maison jusqu’à la fin de ses jours. Il repose maintenant dans le cimetière d’Auderghem, situé plus loin dans l’Avenue Van Horenbeeck, à proximité de la Royale Belge. Sa fameuse collection de livres dédiés à l’histoire de l’architecture fut cédée à la bibliothèque de la Faculté d’Architecture de l’ULB. Tout à la fois architecte, archéologue, conférencier, enseignant, détestant les effets de mode, Henry Lacoste représente une tendance de l’Art Déco tout à fait originale…
Paul Grosjean
Chroniqueur bruxellois
+ 32 477 336 322
paul@metropaul.brussels



