SÉRIE DE L’ÉTÉ 2025 / PLUS BELLES DEMEURES / ÉPISODE 2
Château Fond’Roy, trésor ucclois
En ce 14 juillet, il me parait opportun de parler d’un quartier de Bruxelles où habitent beaucoup de Français : le Quartier Fond’Roy. C’est dans ce pré carré ucclois que se niche le Château Fond’Roy, parfois appelé Château Mobutu. Situé précisément entre l’Avenue Napoléon et l’Avenue Wellington, aux numéros 49 et 51 de l’Avenue du Prince d’Orange, il constitue une des plus belles propriétés de la Région de Bruxelles-Capitale. Et le paradoxe fait que ce château n’ait jamais réellement été habité…
Quand il meurt le 17 décembre 1909, Léopold II n’a pas eu le temps de découvrir tous les grands projets qu’il avait lancés à la fin de son règne, à commencer bien sûr par l’Exposition Universelle de 1910. Certains, plus malicieux, citeront aussi le Château Fond’Roy à Uccle. La rumeur raconte, en effet, que le monarque belge avait suggéré de construire cette demeure afin d’y loger sa maîtresse. Cette thèse n’a jamais été confirmée comme l’écrivit l’archiviste Carlo R. Chapelle. Nous nous tiendrons donc à la version officielle selon laquelle l’agent de change Jean-Marie Berckmans, sis à Saint-Gilles, a décidé de construire une résidence secondaire dans le Quartier Fond’Roy.
Les travaux du futur Château Fond’Roy, confiés à l’architecte Camille Damman (1880-1969), commencés en 1909, furent achevés en 1910. Le résultat fut un beau château de style éclectique auquel s’ajoutaient des serres, une écurie et un hangar, le tout étant installé dans un superbe parc de 3 hectares de type paysager, avec étangs, ponts, arbres, kiosques de qualité. Malgré toutes ces splendeurs, notre agent de change resta domicilié à Saint-Gilles. Ensuite, en 1919, le notaire Albert Poelaert, neveu du fameux architecte Joseph Poelaert, acquit le bien. Quand il mourut en 1925, son épouse, Irma Vermeulen, hérita du domaine. Mais elle ne s’y installa jamais. Après sa mort (survenue le 31 décembre 1943), le château fut transmis à ses neveu et nièce, Alexis et Liliane Vermeulen, qui se hâtèrent de s’en défaire…
C’est en 1948 qu’Alexis et Liliane Vermeulen revendirent le Château Fond’Roy et son domaine à la compagnie d’assurances Royale Belge qui en fit aussitôt un centre sportif et récréatif, strictement réservé aux membres de son personnel et aux enfants de ceux-ci. 25 ans après l’acquisition par la Royale Belge, le destin du Château Fond’Roy allait basculer en 1973 lorsque le bien fut vendu à Madame Jacqueline De Vleeschouwer, représentante du Maréchal Désiré-Joseph Mobutu Sese Seko Kuku Nbengu Waza Banga (1930-1997), Président du Zaïre. Pendant une vingtaine d’années, le château hébergea principalement les enfants du président lorsque ceux-ci séjournaient en Belgique.
24 ans plus tard, le 17 mai 1997, Laurent-Désiré Kabila et ses troupes entraient dans Kinshasa, entraînant la chute définitive et la fuite de Mobutu Sese Seko à Rabat. C’est là que le « Léopard de Kinshasa » vendit son manoir cossu du début du XXème siècle à Stéphan Jourdain qui s’était déplacé au Maroc pour négocier l’achat du « Château Mobutu » au nom de l’Office des Propriétaires. En réalité, pour 70 millions de francs belges, l’homme d’affaires bruxellois avait acheté un meublé et même plus que ça. Du jour au lendemain, outre le château et le parc, il devenait propriétaire de l’ensemble de ce que l’édifice contenait, des vêtements personnels de Mobutu à son parc automobile en passant par ses archives et sa cave à vin. Et, après de multiples rebondissements, c’est dans l’ancien Château Mobutu que le Cercle de Lorraine fut inauguré le 23 avril 1998. Très rapidement, ce club « très sélect » connut un grand retentissement. Tout le gratin économique belge se pressait à l’époque à l’Avenue du Prince d’Orange à Uccle : Georges Jacobs, Maurice Lippens, Albert Frère, Philippe Bodson, Etienne Davignon, Jean-Pierre de Launoit, Rik De Nolf, Luc Willame, Philippe Wilmès… Et c’est 9 ans plus tard, en 2007, que Gérald Hibert, fondateur de GH Group, acheta le Château Fond’Roy à Stéphan Jourdain. En 2010, le Cercle de Lorraine quitta définitivement le manoir pour s’installer dans l’Hôtel de Mérode à la Place Poelaert en face du Palais de Justice.
Aujourd’hui, le castelet ucclois n’est toujours pas occupé. Les travaux de rénovation, lancés par le cabinet de l’architecte Francis Metzger, ne sont pas achevés. Fondamentalement, il s’agit de corriger les erreurs du passé et de retrouver la fonction originelle du château. Mais, apparemment, on n’y est pas encore. La question reste donc posée : le Château Fond’Roy sera-t-il un jour occupé par son propriétaire ? Pour mettre fin à cette malédiction plus que centenaire…
Paul Grosjean
Chroniqueur historique
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