Chronique n° 112 du 20 octobre 2025

Robert de Mûelenaere et Nadia Abbès ont animé la soirée des 40 ans de PROMÉTHÉA à Tour & Taxis (copyright : Bryan Nicola Maxwell) …

A quand un cadre légal et fiscal pour le mécénat culturel ?

La semaine passée, à Tour & Taxis, l’asbl PROMÉTHÉA (dont l’objectif est de promouvoir le mécénat d’entreprise pour la sphère culturelle et patrimoniale) a célébré en grand pompe ses 40 années d’existence. Le monde de la culture et celui de l’entreprise s’étaient donné rendez-vous à la Maison de la Poste. Tout le gratin était présent sauf qu’il y avait un grand absent : les autorités politiques (qui, pourtant, étaient bien invitées). Pas de David Clarinval ni de Vanessa Matz (pour l’Etat fédéral), pas d’Elisabeth Degryse (pour la Fédération Wallonie-Bruxelles), pas de Valérie Lescrenier (pour la Région wallonne) et pas d’Ans Persoons (pour la Région de Bruxelles-Capitale). Seuls quelques « cabinettards » avaient fait acte de présence pour représenter leurs ministres. Quel manque de respect pour tout le travail accompli par cette dynamique association depuis 4 décennies, particulièrement ces dernières années sous la houlette de son Président, Robert de Mûelenaere, et de sa Directrice Générale, Nadia Abbès (en partance) ! Cette attitude est, non seulement déplorable, mais aussi incompréhensible. Dans le contexte actuel des finances publiques, nos décideurs auraient tout intérêt à encourager le mécénat culturel et patrimonial…

Tous les spécialistes s’accordent à dire que PROMÉTHÉA est un outil novateur qui reste sans égal dans le monde culturel de notre pays. Dès qu’il s’agit de développer le mécénat privé pour soutenir les financements publics, l’association de l’Avenue de la Toison d’Or réagit au quart de tour. Citons pêle-mêle quelques réalisations majeures de notre « jeune quadra » : la première édition des Caïus en 1989, la création de collectifs pour le mécénat dont Bruocsella à Bruxelles, le lancement de la plateforme « Promethea for culture » en 2022… On peut également signaler différents partenariats, notamment avec le Quartier des Arts et la Loterie Nationale. A l’heure actuelle, l’asbl compte 140 membres représentatifs de toutes les tailles de société et de toutes les branches d’activité. Toutes ces entreprises œuvrent en faveur de l’accès du plus grand nombre au théâtre, à la musique, à l’opéra. Elles s’engagent aussi dans d’innombrables projets de restauration du patrimoine bruxellois ou wallon. Sans parler des aspects immatériels comme le patrimoine cinématographique ou le secteur des arts plastiques. Aujourd’hui, le mécénat n’est plus le fait du prince ; il ne s’agit plus d’un geste ponctuel ou occasionnel mais d’un engagement durable qui s’inscrit dans la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE)…

Si les milieux culturels et les cénacles économiques ont parfaitement compris la nécessité du mécénat, ce n’est pas encore le cas du côté politique. A la différence des Pays-Bas, de l’Allemagne ou de la France, la Belgique ne dispose toujours pas de cadre légal et fiscal pour le mécénat. En France, par exemple, la loi Aillagon existe depuis 2003. Chez nous, on en est encore à utiliser des processus inappropriés. Et pourtant, selon les estimations de PROMÉTHÉA, la mise en place d’un dispositif attractif pourrait libérer annuellement jusqu’à 720 millions d’euros d’investissements culturels dans notre pays. En fait, quand on sait que chaque euro investi dans le mécénat devrait susciter entre 1,5 et 2,5 euros de retombées économiques, on se dit que l’inertie de nos pouvoirs publics est inexplicable. Par ailleurs, le développement du mécénat permettrait à nos autorités de réduire les dépenses publiques sans mettre en danger la politique culturelle. Cherchez l’erreur…

En tout cas, dans la perspective du bicentenaire de la Belgique (annoncé dans la portion congrue), ce cadre légal et fiscal serait très utile. Il est à parier que de nombreuses entreprises, grandes, moyennes ou petites, seraient prêtes à soutenir les festivités de 2030, qu’il s’agisse de mécénat financier, collectif ou de compétences. Malheureusement, l’immobilisme, la cécité, voire l’ignorance, sont, plus que jamais, à l’ordre du jour à tous les niveaux de pouvoir. C’est foncièrement déprimant. Ce n’est pas par hasard si la Directrice Générale de PROMÉTHÉA a décidé de passer la main. Qu’une femme aussi entreprenante que Nadia Abbès en arrive à se résigner est un signe qui ne trompe pas. Puisse son Conseil d’Administration entamer une réflexion de fond à ce sujet. Comme aurait dit Caïus Maecenas, « alea jacta est » …

Paul Grosjean

Chroniqueur bruxellois

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