Le Rallye des Autos, pilier des bistrots ucclois, renaît de ses cendres
Toutes les Uccloises et tous les Ucclois connaissent le Rallye des Autos. Installé depuis près d’un siècle sous cette dénomination au numéro 1500 de la Chaussée de Waterloo, cet établissement fait réellement partie du panthéon des plus beaux troquets bruxellois. Fermé depuis plusieurs mois, il vient de rouvrir à l’initiative de Matthias Van Eennoo, chef bien connu du quartier Brugmann. Heureusement, ces longs travaux de rénovation n’ont pas dénaturé l’esprit « bistrot » de l’endroit. C’est l’occasion de rappeler que cet estaminet mythique, où afflue actuellement un public huppé, est un haut lieu de la culture populaire de Bruxelles…
C’est à la fin du 19e siècle que Pierre Hibert, représentant d’une famille renommée du côté d’Uccle, fit construire un bâtiment au coin de la Chaussée de Waterloo et de l’Avenue Van Bever. Ce quartier, où fleurissaient les cabarets, cafés et autres guinguettes, était particulièrement apprécié des promeneurs du dimanche en Forêt de Soignes. L’immeuble, qui était agricole au départ, devint rapidement un estaminet à l’enseigne « A la Nouvelle Ferme du Fort Jaco ». Les cavaliers avaient l’habitude de s’y arrêter avant de se diriger vers la campagne. Il y avait même un manège à proximité. Mais, petit à petit, les autos et les motos allaient remplacer les chevaux. Et aussi les trams…
Selon les registres de la Ville de Bruxelles, Joseph Delgauffe devint propriétaire des lieux en 1927. Trois ans plus tard, l’enseigne « Au Rallye des Autos » apparut dans ces mêmes almanachs. La famille Delgauffe resta propriétaire des lieux jusqu’au début des années 1960. Forcément, le quartier, qui était rural au départ, s’était « gentrifié ». La ligne de tram vicinal W (qui reliait Bruxelles à Braine-l’Alleud depuis 1892) avait accompli son dernier trajet le 28 juin 1964. Le Rallye des Autos devint alors un important club de billard avec plus d’une centaine de membres, dont le légendaire Emile Wafflard (1927-1994), l’as européen de la carambole, champion du monde au cadre 71/2 en 1959 à Berlin. Au rez-de-chaussée, il y avait quatre grands billards à bandes, deux dans la pièce centrale et deux autres dans le fond. Sans oublier le petit billard à l’entrée…
En juillet 1998, les frères Reding, Patrick et Philippe, signèrent un bail pour occuper le rez-de-chaussée et le premier étage du Rallye des Autos. Ils effectuèrent alors de nombreux travaux d’aménagement, dont l’installation de la célèbre grillade, copiée sur celle de l’ancien restaurant « L’Abreuvoir ». A l’ouverture de leur établissement, ils étaient associés à leur neveu, Nicolas Bivort. Mais, rapidement, celui-ci allait reprendre une autre enseigne iconique, dans le quartier Saint-Job, le « Repos de la Montagne » en l’occurrence (qui est toujours d’actualité).
C’est en 2001 que les « Reding Brothers » remirent leur fonds de commerce à Vincent de Raikem et à Patrick Van den Bogaerde. Ce dernier quitta assez vite Uccle pour reprendre « La Tartine », le bistroquet mythique de Lasne. Pendant une vingtaine d’années, en maintenant l’ADN des lieux tout en faisant évoluer la formule, le très populaire Vincent allait incarner le « Rallye ». De Jacky Ickx à Eddy Merckx en passant par Jean Graton et Patrick Chesnais, les people se pressaient dans le bistroquet ucclois. Avec ses amis des « Jeux d’Hiver », « Vince » lança le rallye d’ancêtres « du Rallye aux Jeux ». Hélas, en 2021, Vincent de Raikem décéda prématurément. Son épouse Sophie reprit alors courageusement le flambeau du « Rallye ». Finalement, en novembre 2024, elle céda le témoin à Matthias Van Eennoo, fondateur et chef du restaurant « Brugmann » à Forest (à proximité de la « Maison Hannon »).
Aujourd’hui, il est permis de dire que le grand mérite de Matthias Van Eennoo est d’avoir respecté l’ADN du « Rallye des Autos ». Même s’il s’apparente maintenant aux brasseries parisiennes, le « Rallye » reste ce bistrot ucclois que tout le monde apprécie. Le souci d’authenticité du nouveau boss est allé jusqu’au détail puisqu’il a même gardé le numéro d’appel du restaurant, en l’occurrence le « 02-374.10.93. » (inspiré du « 44.10.93. » en cours dans les années 1930). Bien sûr, la brasserie est encore en rodage. Certes, la grande salle est trop bruyante. Mais ce sont autant d’aspects perfectibles. Souhaitons au nouveau patron de pouvoir fêter en grande pompe le centenaire du « Rallye » en 2030 (tout en fêtant évidemment le bicentenaire de la Belgique) …
Paul Grosjean
Chroniqueur historique
+32 477 336 322