Chronique n° 100 du 28 juillet 2025

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SÉRIE DE L’ÉTÉ 2025 / PLUS BELLES DEMEURES / EPISODE 4 

Val Duchesse, trésor du patrimoine européen

En dédiant ma 100ème chronique au Domaine de Val Duchesse, j’ai souhaité mettre en évidence l’Europe. Ce site patrimonial remarquable, comprenant à la fois un château et un prieuré, lové dans un havre de verdure de 25 hectares, est situé au Boulevard du Souverain à Bruxelles à proximité de la Forêt de Soignes. Au-delà de cet aspect matériel, ce haut lieu relève surtout du patrimoine immatériel de l’Union Européenne puisqu’il a été le théâtre de la Conférence Intergouvernementale pour le Marché Commun et l’Euratom qui a permis la signature des Traités de Rome le 25 mars 1957…

En réalité, l’histoire de Val Duchesse commença au XIIIème siècle, très précisément le 28 février 1261, à Louvain, lorsque le Duc Henri III de Brabant décéda. La légende raconte que pour se consoler, sa veuve, Aleyde de Bourgogne, décida de créer un lieu de paix et de dévotion à proximité de la Chapelle Sainte-Anne dans le hameau d’Auderghem. C’est ainsi qu’elle fonda un prieuré de sœurs dominicaines, qui fut nommé « Hertoginnedal » (Val Duchesse). Ce couvent, installé à l’orée de la Forêt de Soignes, prospéra rapidement, se développant sur un important territoire qui allait échapper à la guerre pendant 3 siècles. Puis, à partir de 1562, ce fut le début d’une longue série de mises à sac qui se prolongèrent jusqu’au XVIIème siècle. Les sœurs durent attendre l’époque autrichienne pour retrouver la paix. En 1780, elles procédèrent à la construction du château. Hélas, en mai 1783, sur décret de l’Empereur Joseph II, la fermeture des lieux fut ordonnée. Cette décision fut confirmée en 1796 par les Révolutionnaires français. Ensuite, les bâtiments furent vendus plusieurs fois durant le XIXème siècle…

Le 21 octobre 1903, le banquier Charles Henri Dietrich redonna vie au Domaine de Val Duchesse en l’achetant. A cette époque, le prieuré n’existait plus. Seuls subsistaient une aile du château, une partie du mur d’enceinte et quelques bâtiments ruraux. Sous la direction de l’architecte Edmond De Vigne (1841-1918), les travaux de restauration et d’agrandissement du château furent entrepris entre 1904 et 1907. C’est à ce moment-là que l’immeuble fut transformé en une résidence somptueuse, décorée avec tout le raffinement nécessaire. Et en 1915, notre mécène fit appel à l’architecte Albert Rosenboom (1871-1943) pour reconstruire le prieuré. En fait, il s’agissait de créer des dépendances à vocation agricole. Le parc, quant à lui, fut aménagé par l’architecte-paysagiste Louis Breydel (1868-1941). Tout cela faisait de cette propriété une oasis assez unique dans la périphérie bruxelloise.

En 1930, le Domaine de Val Duchesse fut cédé à la Donation Royale. Le but était d’en faire un lieu de prestige pour accueillir des hôtes de marque de passage à Bruxelles. A la suite du décès de Charles Dietrich, en 1939, Val Duchesse connut un délabrement certain, que la guerre accentua. Heureusement, après la Seconde Guerre mondiale, grâce à la Donation Royale, le domaine put renaître de ses cendres en devenant le siège de réunions politiques internationales. La plus célèbre eut lieu entre le 26 juin 1956 et le 24 mars 1957 sous la présidence de notre Ministre des Affaires Etrangères de l’époque, Paul-Henri Spaak (1899-1972). Cette Conférence Intergouvernementale pour le Marché Commun et l’Euratom donna lieu à la signature des Traités de Rome. Grâce à la volonté de réconciliation portée par les Belges, cette réunion marqua une étape décisive dans l’histoire de la construction européenne. C’est aussi cela l’esprit de Val Duchesse…

Paul Grosjean

Chroniqueur historique

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